Article : 30 mars 2015

THE ELEPHANT IN THE DINING ROOM
Cette expression typiquement anglaise s’emploie pour parler d’une vérité évidente que tout le monde feint d’ignorer. Elle s’applique parfaitement à l’implication des règles dans la genèse du cancer du sein. Ce raisonnement pourrait s’appliquer également à la relation règles - endométriose.

La relation règles/cancer du sein est l’éléphant dans la pièce : évidente, on feint toujours de l’ignorer. Car comment comprendre que d’un coté les évidences s’accumulent sur le risque cancérogène des règles et que d’un autre coté aucune conclusion n’en soit tirée. L’éléphant est très vieux et énorme :

  • Les hommes ne font pas ou peu de cancer du sein.

  • L’allaitement qui supprime les règles diminue le risque de cancer du sein proportionnellement à sa durée.

  • Le lien entre âge de la puberté, âge de la ménopause et risque du cancer du sein est connu de longue date. Dans les pays asiatique où l’incidence du cancer du sein était basse, celle-ci a augmenté régulièrement en passant d’un mode de vie traditionnel ( puberté à 17 ans, 6 enfants/femme, allaitement de longue durée ) à un mode de vie occidental ( puberté à 13.5 ans, 1.3 enfants/ femme, peu ou pas d’allaitement ).

  • Les traitements hormonaux de ménopause qui contiennent des œstrogènes semblables à ceux du cycle augmentent le risque de cancer du sein. La diminution de leur prescription est en lien avec celle récente de l’incidence du cancer du sein.

  • L’ablation des ovaires est très efficace dans la prévention et le traitement du cancer du sein. En 1896 Beatson a montré que le cancer du sein régressait après la castration et d’en conclure : « nous devons constater que chez la femme, les ovaires sont le siège d’une cause favorisant le cancer du sein ». Chez les femmes prédisposées au cancer du sein, la castration diminue le risque de cancer du sein d’environ 50%.

  • La suppression des règles a montré son efficacité dans le traitement du cancer du sein

  • Les antis œstrogènes sont utilisés depuis des dizaines d’années dans la prévention du cancer du sein.

  • Deux études en population ont confirmé la relation cycles/cancer. L’une d’elles, française a mis en évidence une relation linéaire entre le nombre de cycles accumulés au cours d’une vie et le risque de cancer du sein ( https://web.archive.org/web/20151122164013/http://www.e3n.fr/index.php/principaux-resultats/cancer-sein/75-cancer-du-sein-et-nombre-de-cycles-menstruels ).

  • Le lien de causalité entre cycles et cancer ne fait pas de doute tant les cycles accélèrent le rythme des divisions cellulaires ( mitoses ) avec le risque de mutations génétiques non réparées ( cancérogénèse hormonale ). Qu’on le veuille ou non, les hormones sont à la base de la vie … et du cancer.

L'éléphant ne se laisse pas voir facilement à des non spécialistes, tant il est difficile de faire le lien entre un phénomène aussi anodin et naturel que les règles... et le cancer. De plus, les deux événements sont souvent éloignés l’un de l’autre ( 60% des cancers surviennent après la ménopause ). Le problème est donc semblable à la relation cancer du poumon/tabagisme où le cancer survient longtemps après l’arrêt du tabac. Néanmoins comme dans le cas du tabac, les faits sont têtus : la relation existe bel et bien et repose sur des bases scientifiques.


UN TSUNAMI

Toutes ces informations sont facilement accessibles sur internet et ne peuvent être ignorées. Et pourtant, la responsabilité des cycles dans la genèse du cancer du sein, n’est jamais explicitée. Dire le caractère cancérogène n’est pas « médicalement correct », est très embarrassant et serait source de conflits majeurs. Car cela aurait l’effet d’un raz de marée emportant avec lui tout un pan de la gynécologie : tout le marché de la contraception ( pilules œstroprogestatives, stérilet, contraception naturelle ) en dehors de Cerazette, celui des traitements hormonaux de la ménopause, celui des protections hygiéniques. A long terme, la prévention de l’endométriose et du cancer du sein, diminuerait l’activité des cliniques et hôpitaux. Certains grands centres anti cancéreux spécialisés dans le cancer du sein ne pourraient y survivre. Les centres de planning familial spécialisés dans l’IVG seraient aussi une victime collatérale de la généralisation de la suppression des règles.

Les médecins et en particulier les gynécologues et les cancérologues verraient leur recrutement baisser et devraient expliquer pourquoi pendant tant d’années, ils sont restés muets sur le sujet. Ils auraient alors à renier leur attitude passée s’exposant ainsi à des procès. De même pour les pouvoirs publics et les laboratoires qui pourraient être accusés comme dans le cas du sang contaminé de complicité.

Pour les femmes, le choc serait rude car comment comprendre qu’une fonction si naturelle peut se révéler dangereuse ? Il leur faudrait accepter de supprimer leurs cycles, et donc de prendre une pilule sans règles même en absence de vie sexuelle tout au long de leur vie. L’Eglise qui interdit toute contraception, serait confrontée à un dilemme sans pareil. Mais quel bonheur de vivre sans règles et sans crainte de grossesse non désirée et d’endométriose tout en agissant sur le risque de cancer du sein. Au lieu d’attendre passivement la sanction d’un dépistage, les femmes deviendraient des actrices à part entière d’une véritable prévention du cancer.


CONCLUSION

L’éléphant a de beaux jours devant lui d’autant qu’il n’est pas né d’hier. Depuis 40 ans que je fais ce métier, rien a changé, les cancers du sein continuent de gâcher et prendre la vie des femmes. Comment ne pas s’interroger sur cet échec patent de la médecine ? Le dépistage du cancer du sein par mammographie pourtant organisé et national depuis l’an 2000, n’a pas diminué l’incidence ni la mortalité par cancer du sein. Seule la diminution de la prescription des traitements hormonaux de ménopause a été efficace sur la diminution de ce risque. Autre information que les médias spécialisés se sont bien gardés de dévoiler. Il serait temps de regarder enfin l’éléphant.