Actualité : 22 Avril 2015

SCIENCE : Risque cardiovasculaire de la contraception progestative sans règles Pour éviter que les regards ne se tournent vers l’éléphant (cf.  « The elephant in the dining room ») de la relation règles/cancer du sein, les adversaires de la suppression des règles, essaient de détourner l’attention vers des horizons à priori moins embarrassants en particulier celui de la relation entre absence de règles ( aménorrhée ) et risques cardiovasculaires.

Mais outre que ces risques pour la santé des femmes sont sans commune mesure avec celui des 50 000 cancers du sein dont sont responsables les cycles, les données scientifiques parfois inquiétantes sont discutables. Elles sont en effet issues de populations de femmes ménopausées et de femmes jeunes en ménopause précoce bien différentes de celle des femmes jeunes et en bonne santé avec une contraception progestative.

Car les mécanismes de l’aménorrhée ne sont pas identiques. L’aménorrhée de la ménopause ou de la ménopause précoce, résulte d’un arrêt total de la fonction ovarienne faisant disparaitre toute sécrétion hormonale basale ou cyclique. Alors que l’aménorrhée de la contraception progestative résulte seulement d’une mise en sommeil des ovaires. Cela sous entend le maintien d’une sécrétion hormonale de base ( celle d’un début de cycle ), non négligeable. Seuls les très importants pics d’hormones cycliques sont supprimés. Dans les deux cas l’aménorrhée existe mais dans un cas les œstrogènes ont totalement disparu alors que dans l’autre non.

Quoi qu’il en soit, aucun risque cardiovasculaire accru n’a été mis en évidence avec la contraception progestative sans règles ( 1 ).

Les arguments des adversaires de la suppression des règles sont les suivants :

Le modèle des femmes ménopausées.

La fameuse étude de Framingham débutée en 1948 avait montré que le taux d’angine de poitrine et d’infarctus était moindre chez la femme que chez l’homme à âge égal. Mais cette différence s’atténuait après la ménopause quand l’incidence de cette maladie des artères coronaires augmentait rapidement et devenait une cause majeure de mortalité chez la femme. On en avait déduit que les femmes devaient être protégées par les œstrogènes. Ceci avait été initialement confirmé par l’effet bénéfique du aux traitements hormonaux de ménopause ( THM ) constaté dans les premières études de qualité discutable. Mais cet effet cardio protecteur des œstrogènes n’avait pas été confirmé par la grande étude de référence dite WHI parue en 2002. Bien au contraire un excès d’accident vasculaire cérébraux avait été constaté chez les femmes prenant des œstrogènes que ces derniers soient pris ou non en association avec une progestérone. Depuis lors ces traitements ont perdu leur autorisation de mise sur le marché ( AMM ) pour la prévention des maladies cardiovasculaires chez la femme ménopausées.


Le modèle des femmes en insuffisance ovarienne prématurée ( ménopause précoce )
Des études portant sur des femmes ménopausées ( insuffisance ovarienne prématurée ) avant 45 ans et surtout chez celles ménopausées avant 40 ans ont mis en évidence un risque accru de risque de maladies cardiovasculaires par rapport aux femmes ménopausées vers 50 ans. Comme précédemment, on en a déduit que les œstrogènes avaient un rôle protecteur vis-à-vis du cœur chez la femme et qu’un traitement hormonal de substitution ( THS ) devrait être prescrit à ces patientes. Il semble que la leçon n’ait pas été apprise car en dépit des ce qui a été dit plus haut, à savoir l’absence d’effet bénéfique des œstrogènes après la ménopause, ces traitements continuent à être indiqués.Cet effet bénéfique du THS chez ces femmes jeunes pourrait néanmoins exister à l’inverse des femmes plus âgées mais cela n’a pas encore été prouvé. En revanche il est certain que les pilules combinées œstroprogestative avec règles augmentent le risque de phlébite, d’accident vasculaire cérébral et d’infarctus du myocarde.

De nombreux arguments plaident actuellement pour une relation de causalité inversée. La cause serait confondue avec la conséquence. Plus précisément la ménopause prématurée ne serait pas la cause des maladies cardiovasculaires mais au contraire la conséquence d’un vieillissement prématuré. Certaines causes génétiques de ménopause précoce dont la trisomie 21 et le syndrome de Turner sont associées à un vieillissement prématuré. Le tabac qui altère les vaisseaux, avance lui aussi l’âge de la ménopause.


Le modèle des femmes allaitantes

En fait le meilleur modèle serait celui des femmes allaitantes car ce sont des femmes jeunes en bonne santé chez qui l’absence de règles résulte d’une mise en sommeil des ovaires comme chez les femmes sous progestérone, avec maintien d’une sécrétion de base. Plusieurs études ont montré que celles qui ont allaité risquent moins de souffrir de crises cardiaques, d’attaques cérébrales et de maladies cardiovasculaires. Et plus longtemps elles ont allaité, plus le risque diminue. Le mécanisme de cette protection n’a pas été élucidé. Cette diminution pourrait être en lien avec la disparition de l’inflammation liée aux cycles ( montée de température après l’ovulation, encore appelée hyperthermie post ovulatoire ).


En résumé

  • La contraception progestative sans règles n’augmente pas le risque cardiovasculaire à l’inverse de la contraception œstroprogestative.
  • Les données scientifiques inquiétantes concernant les femmes en insuffisance ovarienne prématurée ( ménopause précoce ) sont discutables.
  • Les traitements hormonaux de ménopause sont inefficaces dans la prévention cardiovasculaire. Au contraire, ils augmentent le risque d’AVC et de phlébites.

Références

1. ( Madelenat ( P. ), Koskas ( M. ) ; Groupe de réflexion sur la contraception progestative, J Gynecol Obstet Biol Reprod ( Paris ), novembre 2008 ; 37( 7 ) : pp 646.
2. Scarabin-Carré V et al High level of plasma estradiol as a new predictor of ischemic arterial disease in older postmenopausal women: the three-city cohort study. J Am Heart Assoc. 2012 Jun