Article : Juin 2019

L'énergie du monde
Qu'est-ce qui gouverne le monde ? Pour Freud, c'est la Libido, pour moi c'est la volonté de puissance de la Vie décrite par Nietszche et imagée par la métaphore de la liane Sipo matador. Chez la femme, cette volonté s'exprime au travers le puissant contrôle hormonal de la reproduction, imagé par Michel Ange dans sa "création d'Adam" à la chapelle Sixtine.

« Vivre, c’est être utile aux autres, vivre c'est être utile à soi » Sénèque

Récemment une de mes amies est décédée d’un cancer du sein à 45 ans laissant une petite fille de cinq ans, orpheline , et son gynécologue, en l'occurrence l'auteur de ces lignes, effondré. Son cancer avait été détecté à huit mois de grossesse. On ne devrait pas soigner ses proches. Peu de temps après, j'appris qu'une de mes patientes âgée de 62 ans avait une fille, je dis bien une fille, de cinq ans. Elle avait donc enfanté spontanément à l'âge de 57 ans. J’ai rapproché ces deux cas parce qu’ils illustrent d’un côté l'extraordinaire volonté de puissance de ce que j'appellerai la Vie avec une majuscule et de l’autre son indifférence vis à vis de la santé la mère.

La Vie n'a qu'une obsession, la donner. J'en suis témoin tous les jours en tant que spécialiste en fertilité. Combien de femmes sont enceintes spontanément après des années de traitement infructueux à des âges de moindre fécondité. Cette volonté de puissance de la Vie pour employer un terme nietzschéen, cette énergie n'est pas qu'un concept philosophique, c'est une réalité anatomique et biologique bien précise. Elle est matérialisée sous la forme d'une molécule appelée FSH, produite dans le cerveau dans une glande située à sa base appelée l'hypophyse. Là, est le cœur de la Vie. d' après un gynécologue américain Franck Lynn Meshberger, Michel-Ange l’aurait représenté dans sa « création d'Adam » à La Chapelle Sixtine. On y voit aussi l'index tendu de Dieu rejoignant l'index relâché d'Adam, sans le toucher, pour lui donner l'étincelle de Vie.

Car cette hormone agit à distance sur l'ovaire pour réveiller le cycle menstruel et déclencher une formidable cascade hormonale d'autant plus intense que la femme est jeune. Cette dernière va bouleverser le corps de la femme. en particulier l'utérus ( le manteau de Dieu dans le tableau ), mais aussi les seins. Ce tsunami hormonal va bouleverser les tissus féminin en vue d' accueillir la vie. Il prendra fin en cas d'échec de la fécondation avec les règles. Pour Michel-Ange et d’après Meshberger, Dieu, en tant que puissance de vie, serait donc une femme.

La sécrétion de FSH débute avec la puberté pour continuer tout au long de la vie génitale et au delà après la ménopause alors que la fonction ovarienne est à l'arrêt. Qui plus est, elle s'intensifiera à ce moment comme s’il y avait toujours de l'espoir pour la vie. Ainsi de quelques unités, son taux de base dans le sang passera à plus 100 unités par millilitre à ce moment.

La Vie insiste et ne désespère donc jamais tentant jusqu'au bout sa chance quitte à mettre la vie de la mère en danger. Elle est telle le Sipo matador de Nietzsche, liane grimpante qui pour atteindre la lumière s'enroule autour de l'arbre qu'elle finira souvent par étrangler par-delà le bien et le mal, car la Vie est indifférente à la santé de l'arbre comme à celle de la santé de la femme. Pour la Vie, la femme n'est qu'un support, un vecteur d'ADN, sans importance une fois la vie donnée.

La santé de la femme est mise en danger de plusieurs façons du fait de ces attaques hormonales répétées : soit du simple fait de l'âge maternel avancé, cas de la femme de 57 ans, soit du fait du risque cancérogène des hormones féminines en particulier pour le sein ( cas de H ), soit d’un étranglement des tissus par l'endométriose.

Ce n'est pas un hasard que les femmes de plus de 40 ans soient plus surveillées que les autres et qu'au delà de 45, l'accouchement doit avoir lieu impérativement dans une maternité de niveau 3, équipée d'un service de réanimation adulte.La fréquence du cancer du sein augmente avec l'âge. Rare avant 35 ans ,son incidence augmente fortement après 40 ans. Car le cancer du sein est une maladie hormonale qui touche rarement les hommes. Sa fréquence est en lien avec l'imprégnation hormonale et donc le nombre de cycles menstruels accumulés depuis la puberté ( Clavel Chapelon ), en particulier avant la première grossesse. Ainsi les femmes qui sont enceintes tardivement sont aussi celles qui ont accumulé le plus de cycle dans cette période et donc les plus à risque.

La nature n’est pas désarmée face à cette volonté de puissance contrairement à l’arbre de la liane. Elle a développé des parades, des digues pour lui résister. Ce sont la période pré pubertaire, l'allaitement et la ménopause. Dans ces périodes soit l'hypophyse est inactive ( période pré pubertaire ), soit l'ovaire se met en sommeil (allaitement), soit il ne répond plus ayant épuisé sa réserve d'ovocytes ( ménopause ). Malheureusement, avec la modernité, certaines de ces digues se sont rompues. La puberté est devenue de plus en plus précoce avec, a la clé, une augmentation du nombre de cycles ; l’allaitement, qui a disparu ou presque, ne contribue plus à la réduction du nombre de cycles alors qu’il en était le meilleur contributeur jadis ; enfin les techniques de procréation médicalement assistée permettent des grossesses a un âge de plus en plus avancé.Ces ruptures de digues, la disparition de ces remparts vont peser de plus en plus sur les générations futures. De plus en plus de femmes sont enceintes tardivement. Et l’incidence du cancer du sein chez les femmes jeunes ne cesse d’augmenter.

Si nous voulons les protéger de cette puissance créatrice de Dieu, il nous faut absolument mettre en place des actions de prévention : informer les femmes des risques liés aux grossesses tardives mais aussi cesser de valoriser les cycles et les règles qui n’apportent rien aux femmes sauf projet d’enfants. Il faut enfin faire la promotion des contraceptions qui suppriment les cycles et les règles, les seules susceptibles de faire diminuer l’imprégnation hormonale et donc le risque de cancer du sein. Les études l’ont montré : moins on a de cycles, moins a de risques de cancer. Les vétérinaires l’on bien compris, eux castrent les animaux domestiques pour leur éviter le cancer de la mamelle.

Et ce n’est pas équitable. Les hommes, même s’ils sont aussi menacés par cette force créatrice, le sont beaucoup plus tardivement au travers le cancer de la prostate. Les générations futures de femmes seront en droit de nous reprocher notre non assistance à personne en danger.